Pouvoir et manipulation : jusqu’où peut-on aller ?

11/06/2025 14:08

Suite des articles "La maladie du pouvoir : quand le besoin de dominer prend le dessus" et "Le pouvoir dans le couple, l’école, l’entreprise : où sont les lignes rouges ?"

Le pouvoir est une force et la manipulation, une technique. Lorsqu’ils se rencontrent, ils peuvent servir le bien commun… ou dériver vers des formes d’influence toxiques, parfois invisibles, souvent banalisées.

Il ne s’agit pas toujours d’un abus flagrant. La manipulation peut se nicher dans des gestes anodins, des mots habiles, des silences pesants. Elle peut prendre l’apparence du charme, du conseil, de la protection… tout en orientant l’autre sans qu’il s’en rende compte.

Mais jusqu’où peut-on aller ? Et à partir de quand bascule-t-on dans l’inacceptable ?

La manipulation : une déformation du lien

La manipulation, c’est influencer l’autre de manière indirecte, parfois subtile, sans lui donner les clés pour comprendre ce qui est en jeu.

Cela suppose :

·         Une intention cachée.

·         Une situation où l’un détient plus de contrôle ou d’influence que l’autre.

  • Une manière d’induire en erreur en cachant ou en déformant la vérité.

Ce n’est pas une argumentation fondée sur des faits. Ce n’est pas non plus la négociation où chaque partie est informée. La manipulation, elle, avance masquée.

Où se loge la manipulation au quotidien ?

Elle est plus courante qu’on ne le croit. Voici quelques exemples :

Dans les relations personnelles :

·         La culpabilisation subtile : “Avec tout ce que j’ai fait pour toi…”

·         Le chantage émotionnel : “Si tu m’aimais vraiment, tu ferais ça.”

  • L’omission stratégique : taire des informations essentielles pour orienter une décision.

En entreprise :

·         Le cadrage orienté : ne présenter qu’une partie des faits pour faire valider une option.

·         La manipulation mentale au travail : une stratégie subtile qui pousse l'autre à remettre en question sa réalité, souvent pour le déstabiliser ou affaiblir sa confiance. (“Tu es trop sensible”, “Tu interprètes mal”).

  • Les promesses floues : faire miroiter des récompenses sans engagement clair.

En politique ou communication :

·         L’usage émotionnel des mots pour déclencher peur, colère ou espoir.

·         La confusion volontaire entre opinion et information.

  • La rhétorique d’autorité : imposer une vision au nom d’une légitimité supposée.

Quand le pouvoir alimente la manipulation

Le pouvoir offre un levier pour agir sur autrui. La manipulation devient tentante lorsque l’on veut :

·         Éviter un conflit direct.

·         Obtenir un avantage sans résistance.

  • Maintenir une position sans se remettre en question.

Plus le pouvoir est important, plus la manipulation devient subtile et structurée. Elle gagne en efficacité, passe inaperçue… et finit par façonner les normes, les habitudes, les règles du jeu, jusqu’à s’inscrire dans la culture même.

Pourquoi accepte-t-on d’être manipulé ?

Nous acceptons parfois la manipulation parce qu’elle s’appuie sur nos besoins fondamentaux.

·         Être aimé, reconnu, utile.

·         Éviter le rejet, l’exclusion, la perte.

  • Avoir une direction, un repère.

Certaines personnalités manipulatrices savent exploiter ces failles avec une redoutable efficacité.

Peut-on manipuler sans le vouloir ?

Oui : par habitude, par peur, ou par mimétisme. Certaines formes de manipulation sont intégrées dès l’enfance, dans la manière d’obtenir de l’attention, de l’amour ou du pouvoir.

C’est pourquoi il est essentiel de développer une conscience relationnelle pour discerner ce qui relève de l’influence saine ou de la manipulation déguisée.

Comment sortir des logiques manipulatoires ?

  1. Observer les rapports de pouvoir implicites. Qui décide ? Qui influence quoi ? Qu’est-ce qui est caché ?

2.      Nommer ce qui est flou.

Poser des questions, demander des clarifications, reformuler ce qui est suggéré sans être dit.

3.      Renforcer son assertivité.

Exprimer ses besoins, ses limites, ses ressentis sans violence ni soumission.

  1. Accompagner les leaders vers un leadership éthique.

Le coaching individuel peut aider à déconstruire les automatismes de contrôle, à développer une posture claire et respectueuse.

Conclusion : manipuler ou transformer ?

Le pouvoir est un outil. La manipulation est un usage possible de cet outil. Mais il existe une autre voie : celle de la transparence, de la responsabilité et de la relation authentique.

Plus nous apprenons à voir les mécanismes en jeu, plus nous pouvons transformer le pouvoir en coopération, l’influence en inspiration et l’ombre en clarté.