La maladie du pouvoir : quand le besoin de dominer prend le dessus
Au fil de mes recherches historiques, de mes accompagnements professionnels et de mes observations de la société contemporaine, une constante m’a frappé :
le pouvoir fascine… et parfois dévore.
Qu’il s’agisse d’un empereur antique, d’un dirigeant moderne, d’un manager de proximité ou même d’un parent, certains semblent animés par un besoin impérieux d’avoir du pouvoir sur les autres.
Ce besoin dépasse alors la responsabilité ou la coopération : il devient une obsession.
Un symptôme ? Une maladie ?
Pouvoir : moteur ou poison ?
Le pouvoir n’est pas mauvais en soi. Il est nécessaire à la coordination, à la prise de décision, à la vision. Il peut être moteur de transformation, de protection, d’organisation.
Mais lorsqu’il devient le but, plutôt que le moyen, il commence à déformer la relation.
Le pouvoir cesse d’être partagé ou exercé avec discernement : il est utilisé pour contrôler, dominer, imposer.
Dans ces cas-là, ce n’est plus la fonction de pouvoir qui élève ou transforme la personne, mais le vide émotionnel ou personnel qu’elle porte, qui l’amène à déformer cette fonction pour combler un manque.
La personne n’habite plus son rôle avec conscience : c’est son besoin de reconnaissance, ou sa peur de l’impuissance, qui aspire ce rôle et le dénature.
Et c’est là que naît ce que j’appelle la maladie du pouvoir.
Une faille humaine… qui remonte loin
Le besoin de pouvoir absolu est souvent le reflet d’une peur profonde de la perte de contrôle, d’un besoin de reconnaissance jamais comblé, ou d’une angoisse d’inutilité.
Dans la sphère psychologique, on y retrouve :
- Le narcissisme (besoin d’admiration constant).
- Le perfectionnisme autoritaire (se rassurer en maîtrisant tout).
- Le syndrome de toute-puissance (refus de toute forme de limite ou de contradiction).
Ce besoin peut se développer dès l’enfance, chez ceux qui ont manqué d’écoute, de sécurité ou de valorisation. Il peut aussi être entretenu par des environnements qui récompensent la domination plus que la coopération.
L’histoire en miroir : du chef au tyran
L’histoire fourmille d’exemples de dirigeants passés de l’exercice légitime du pouvoir à son abus délirant.
Des empereurs romains comme Caligula ou Néron, des figures modernes comme Staline ou d’autres chefs d’État qui ont confondu leadership et contrôle absolu.
On y retrouve souvent :
- Une coupure progressive avec le réel.
- Une absence de contradiction tolérée.
- Une peur viscérale de perdre la main.
Le pouvoir agit alors comme un miroir grossissant des fragilités humaines.
La maladie du pouvoir aujourd’hui
On la croise dans bien des lieux, souvent sans la nommer :
- Dans les entreprises : micro-management, autoritarisme déguisé, réunions où la parole ne circule pas.
- Dans les institutions : hiérarchies figées, décisions centralisées, manque de subsidiarité c’est-à-dire un pouvoir central qui décide à la place des acteurs de terrain.
- Dans les relations privées : prise de pouvoir émotionnelle, dépendance affective, chantage implicite.
Ce besoin de pouvoir ne crée pas que de l’inconfort : il engendre de la souffrance, du désengagement, et parfois des traumatismes profonds qui laissent des traces.
Comment repérer les signes ?
Voici quelques indicateurs d’une dérive :
- Refus du dialogue contradictoire.
- Besoin de tout contrôler, de tout valider.
- Tendance à humilier ou à rabaisser pour affirmer son statut.
- Absence de remise en question.
- Décisions imposées au nom de « l’efficacité » ou du « bien commun », sans réelle écoute.
Et si on transformait notre rapport au pouvoir ?
Face à cette « maladie », il est possible de changer de posture :
- En revalorisant le pouvoir partagé et une autorité fondée sur le dialogue et la légitimité.
- En formant les managers, les enseignants, les décideurs à l’intelligence relationnelle.
- En favorisant un leadership basé sur l’influence, la clarté et la légitimité, plutôt que sur la domination.
- En proposant un accompagnement individuel pour ceux qui sentent le pouvoir les consumer plus qu’il ne les élève.
Conclusion : un pouvoir qui libère, pas qui enferme
Le pouvoir peut être une force d’impact et d’action.
Mais entre de mauvaises mains ou à des fins erronées, il peut devenir destructeur, pour celui qui le détient comme pour ceux qui le subissent.
Ce que j’observe aujourd’hui, c’est l’urgence de réconcilier pouvoir et conscience.
De former et accompagner ceux qui exercent un pouvoir, quel qu’il soit, pour qu’il ne dévore ni les autres, ni eux-mêmes.
Et vous, avez-vous déjà observé cette « maladie du pouvoir » autour de vous ?
Ou même ressenti, à un moment, ce glissement vers la volonté de tout contrôler ?