Le pouvoir de guérir : transformer la domination en réparation
La domination laisse des traces.
Qu’elle s’exerce dans le couple, au travail, dans l’éducation ou dans les relations sociales, elle s’inscrit dans les corps, les émotions et la mémoire. Les rapports de force déséquilibrés, quand ils s’installent dans la durée, peuvent éroder la confiance, diminuer l’estime de soi, et altérer la capacité à se projeter dans l’avenir. Pourtant, dans certains contextes, le pouvoir peut changer de nature. Il peut devenir un levier de réparation, de reconstruction et de réconciliation.
Cet article explore comment passer d’un pouvoir qui écrase à un pouvoir qui soigne, et ce que cela implique pour celles et ceux qui exercent une influence ou une autorité.
1. Comprendre les blessures laissées par la domination
Avant de pouvoir « réparer », il faut savoir ce que l’on répare.
La domination ne produit pas seulement des effets visibles (exclusion, inégalités, injustices), elle génère des blessures invisibles :
· Blessures identitaires : sentiment d’être moins que l’autre, perte de confiance.
· Blessures relationnelles : peur de s’exprimer, rupture du lien de confiance.
- Blessures émotionnelles : colère intériorisée, culpabilité, honte.
Ces blessures peuvent perdurer bien après la fin du rapport de domination, si rien n’est mis en place pour les reconnaître et les soigner.
2. Transformer la posture : du contrôle à la responsabilité réparatrice
Un pouvoir réparateur commence par un changement d’intention.
L’objectif n’est plus de maintenir un contrôle, mais de restaurer ce qui a été abîmé. Cela demande :
1. Reconnaissance des torts : nommer ce qui s’est passé, sans minimisation.
2. Prise de responsabilité : assumer la part que l’on a jouée dans le déséquilibre.
- Actes concrets : mettre en place des gestes, décisions et ressources pour réparer.
Ce basculement est exigeant, car il suppose d’abandonner la logique de supériorité pour entrer dans une logique de co-construction.
3. Trois leviers pour passer de la domination à la réparation
a) Écouter pour comprendre, pas pour répondre
L’écoute réparatrice demande de suspendre son jugement et de laisser l’autre exprimer pleinement ce qu’il a vécu. C’est souvent le premier pas pour restaurer la dignité.
b) Rétablir l’équité
Cela peut passer par la redistribution de responsabilités, l’accès à de nouvelles opportunités ou la mise en place de protections concrètes pour éviter la répétition des abus.
c) Accompagner dans la durée
La réparation n’est pas un acte ponctuel. Elle demande un suivi, un engagement sur le long terme et des preuves régulières de changement.
4. Quand la réparation devient un acte de leadership
Dans une organisation, une famille ou un collectif, celui qui choisit de réparer plutôt que d’exercer une domination gagne en légitimité et en influence positive. Ce type de pouvoir inspire et entraîne un cercle vertueux :
· Les personnes se sentent sécurisées pour s’exprimer.
· La confiance se reconstruit et facilite la coopération.
- Les tensions diminuent et la performance collective augmente.
5. Limites et vigilance
La réparation ne doit pas devenir un outil de manipulation, où l’on « compense » pour mieux maintenir un contrôle subtil. Elle n’est authentique que si elle s’accompagne :
· D’un changement réel de posture.
· De mécanismes concrets empêchant le retour des abus.
- D’une ouverture à la remise en question.
En conclusion
Transformer la domination en réparation, c’est accepter que le pouvoir n’est pas un droit, mais une responsabilité. C’est comprendre qu’exercer un rôle d’influence implique aussi d’assumer le devoir de réparer ce qui a été brisé. Ce chemin n’est ni rapide ni facile, mais il est le seul qui permette de restaurer durablement la relation, la confiance et la dignité.